Dominique Wolton : « Aujourd’hui, on tend le micro à n’importe qui !

17 décembre 2018

Extrait de l’interview de Dominique Wolton au quotidien le Télégramme de Brest du 15/12/2018 – L’article original publié par le Télégramme de Brest

Directeur de recherches au CNRS et spécialiste des médias, Dominique Wolton déplore l’abandon d’une information réfléchie et maîtrisée au profit des réseaux sociaux et des chaînes d’information continue.

Le Télégramme : Une majorité de Français estime que les chaînes d’info continue ont contribué à l’embrasement du pays. Partagez-vous ce ressenti ?

Ce qui est frappant, c’est que les médias comme la classe dirigeante n’ont rien dit de critique sur le mouvement. Ils nous ont assommés, durant des années, d’obligations, de modernité et d’arrogance et quand le peuple se révolte, tout le monde se tait… Les journalistes des chaînes d’information continue – il n’y a pas qu’eux – tendent leur micro sans beaucoup de sens critique, et les politiques attendent le dialogue. Ils n’ont pas écouté durant des dizaines d’années et maintenant, tout le monde passe son temps à écouter ! Les chaînes d’info continue et les réseaux sociaux dramatisent tout, sans contexte et sans mise en perspective. Or, on sait que plus on est proche de l’événement, plus on est tyrannisé par cet événement. C’est contradictoire avec le sens de l’information. Ce n’est donc plus de l’information mais du voyeurisme et de l’angoisse. Donc oui, cela accentue les problèmes. Les chaînes d’information et les réseaux sociaux sont devenus le couple maudit. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

Le Télégramme : Les journalistes ne peuvent pas ignorer les réseaux sociaux ?

Depuis dix ans, on entend des journalistes vanter les réseaux sociaux en disant que c’est l’expression de la vérité. C’est faux ! L’expression n’est pas synonyme de la vérité. Ce n’est pas parce que les gens racontent leur vie sur internet que c’est la vérité. Et si tout le monde s’exprime, qui écoute ? À terme, en suivant ce raisonnement, on n’aura plus de journalistes, plus de professeurs et plus d’hommes politiques. Tous les intermédiaires deviennent suspects. Il suffira d’écouter les gens pour connaître la vérité. La démission des journalistes vis-à-vis des réseaux sociaux est accentuée par cette crise. Ils se transforment en passeur de plats…

Le Télégramme : Les chaînes d’info ont pourtant battu tous les records d’audience…

Les responsables de chaînes, qui se gargarisent de leur excellente audience grâce aux gilets jaunes, ont oublié une chose élémentaire : ce n’est pas parce qu’on est voyeur – et nous le sommes tous plus ou moins – qu’on adhère à ce que l’on voit. Si on veut sauver les médias, il faut qu’ils cessent cette course à l’audience et qu’ils arrêtent de valider le fait que toute bêtise dite sur les réseaux est géniale !

Le Télégramme : Peut-on parler de démagogie ?

La démagogie, c’est de croire que la société en directe est possible… Aujourd’hui, on tend le micro à n’importe qui, qui dit n’importe quoi dans la rue. Oui à l’expression à condition de ne pas la confondre avec l’information… Et la colère ne justifie pas que l’on dise n’importe quoi d’une personne élue. Les médias sont capables de tout pour augmenter leur audience. Et pour meubler l’antenne des heures durant, chaque chaîne a sa pléthore de soi-disant spécialistes.

Le Télégramme : Mais vos collègues chercheurs ne sont pas les derniers à y participer…

Ils se « pipolisent ! ». J’estime que l’on doit pouvoir refuser de faire des émissions où l’on se retrouve à quatre ou cinq sur un plateau avec chacun trois minutes de parole. On ne peut rien dire ! … Même des intellectuels chercheurs sont gagnés par la sensation qu’il est important d’être vu à la télé. Oui, à condition d’avoir autre chose à dire qu’un commentaire que le journaliste peut très bien faire…

Le Télégramme : Y a-t-il une distorsion entre médias et réalité ?

L’événement n’est pas l’information. Le journaliste doit prendre du temps pour choisir et réfléchir au sujet qu’il va traiter. C’est ce travail entre l’événement et la production de l’information qui fait la grandeur du métier… Et il ne faut pas perdre de vue que certains acteurs ont bien compris comment faire venir les médias sur un événement peu représentatif… Autre exemple grave : les médias ne couvrent pas l’Europe, au prétexte que cela n’intéresse pas les gens. Ce à quoi il faut répondre : l’information, ce n’est pas la demande mais l’offre, et il n’y a pas de demande parce qu’il n’y a pas d’offre… L’absence d’information régulière, abondante, contradictoire sur l’Europe est grave, parce que c’est la plus grande utopie politique, pacifique et démocratique de l’histoire de l’humanité. Il y a une absence de réflexions des journalistes à l’heure de l’explosion de l’information qui est grave…

Le Télégramme : Journaliste, réseaux sociaux, qui influence qui ?

Les réseaux sociaux n’influencent pas l’opinion. Ils influencent ceux qui les suivent. Même s’il y en a deux millions, il ne faut jamais oublier que nous sommes plus de 60 millions ! La presse écrite est en difficulté, mais je suis persuadé qu’elle va repartir… Nous aurons forcément un point de non-retour, par rapport à cette folie de la vitesse et du direct, un balancier, qui sera favorable à la presse écrite et au papier. La fascination pour les techniques est excessive et on a confondu performance technique et démocratie…

© Le Télégramme https://www.letelegramme.fr/france/dominique-wolton-aujourd-hui-on-tend-le-micro-a-n-importe-qui-15-12-2018-12161988.php#ajWJVRe88gRUwKOs.99

Groupe Le Télégramme : Qui sommes-nous ?
Un groupe local et sans frontières.
Il faut remonter à la fin du XIXe siècle et à sa première parution sous le nom de La Dépêche, pour se rendre compte de l’extraordinaire parcours du Télégramme. Hier quotidien local, il est aujourd’hui un groupe international et toujours indépendant. Réactif et innovant, le Groupe Télégramme progresse sur tous les horizons de la communication : multimédia (presse, télévision, internet), services aux entreprises et événementiel.


France : Quand la course à l’audience de certains médias favorise la désinformation et les fake news

11 septembre 2018

Avec une myriade de chaînes généralistes et d’information en continu, la France n’échappe pas à une forme de désinformation quotidienne. En effet, les chaînes doivent se livrer une bataille acharnée pour tenter de capter et de conserver l’audience des téléspectateurs toujours plus avides de faits divers et autre actualité du star système. Ainsi même en période d’actualité peu abondante et importante, la télévision doit meubler son antenne quitte à mettre en avant des sujets sans aucun intérêt ou avant d’en avoir vérifié la véracité et l’authenticité.

C’est ainsi que ces dernières années, l’on assiste en France à une véritable dérive de l’information sur des faits et évènements pour le moins marginaux et sans intérêt, quitte à faire dans le voyeurisme, en jouant sur la jalousie maladive de téléspectateurs en mal de sensation. C’est ainsi que peu à peu l’information dérive complètement et l’essentiel est souvent marginalisé, voire purement et simplement passé sous silence.

Une offre de télévision pléthorique mais de qualité médiocre, y compris pour le service public

Jamais les médias français, et notamment la télévision, n’avaient connu une si piètre qualité de l’information qui dérive chaque jour un peu plus vers le storytelling, construit de toute pièce au jour le jour, à partir de simples faits divers dignes des rubriques de quelques quotidiens régionaux en mal d’information. Le plus inquiétant est qu’il suffit qu’un média lance un présumé scoop, souvent peu ou pas vérifié, pour qu’immédiatement les autres suivent et embaument les faits présumés. Hélas, même les chaînes de service public français tombent dans le panneau contrairement à l’excellent travail d’information de nombreuses chaînes publiques étrangères comme la BBC ou la NHK.

Il est temps que le gouvernement propose une véritable réorganisation du service public de télévision pour que les français aient enfin droit à une information digne de ce nom. A quoi bon tant de chaînes de télévision du service public si elles ne sont qu’une pâle copie des chaînes commerciales ? En ces temps où l’argent public se fait rare, l’heure est venue de recentrer l’offre pléthorique de la télévision publique française.

Alors que l’actualité française, européenne et mondiale traverse une période de très forte tension comme jamais depuis la dernière guerre mondiale, les médias français sont quasi-absents des grands sujets qui affectent aujourd’hui notre pays et le reste du monde. Pour être correctement informé en France, il faut aujourd’hui se tourner vers ce qu’il reste de la presse nationale et de quelques rares radios. Les français vont-ils devoir se rabattre sur les grandes chaînes de TV européennes et internationales pour être correctement informé ? Vu la piètre qualité de l’information des chaînes françaises ces dernières années, qui n’hésitent pas à surfer sur le populisme pour doper leur audience, les chaînes étrangères qui émettent en français ont un bel avenir !

Au cours des mois de juin et juillet, les français ont ainsi eu droit au pire de la non information. Jusqu’au début juillet, les chaînes d’information ou généralistes ont inondé le pays de directs, semi-directs et différés pour relater la coupe du monde du football, avec tes talk-shows permanents sans aucun intérêt. A tel point qu’il était difficile d’échapper quotidiennement au football. Au fait, je ne me rappelle plus qui a gagné la coupe du monde 2018 ?

Pourtant, au cours de cette période, l’actualité nationale et internationale a été très mouvementée sans que la télévision leur consacre une place significative, contrairement aux autres pays. A croire que la France ne vivait plus que pour le football, comme certains pays pour le moins sous-développés ! Pour ne parler que du sport, force est de constater qu’au même moment de nombreux athlètes français ont brillé de par le monde dans de nombreuses compétitions internationales, sans que ces mêmes chaînes TV ne leur aient consacré quelques minutes. Manifestement les médias français et les téléspectateurs ne s’intéressent qu’à quelques sports pourris par l’argent avec des milliards d’euros en jeu, plutôt qu’aux vrais sportifs qui pratiquent leur sport favori avec beaucoup de sacrifice et le plus souvent sans aucune rémunération. Le vrai sport quoi !

Au mois d’août, c’est un fait divers comme on en voit régulièrement qui a pris le relais en accaparant subitement la une des chaînes de télévision : la présumée affaire Benalla alors que celle-ci n’aurait même pas mérité 30 secondes en fin de journal pour de nombreux médias dignes de ce nom. Il fallait probablement trouver quelque chose pour tenir l’opinion en haleine ! Cette histoire a été interminable alors que cette affaire de droit commun, pour laquelle la justice est saisie, ne présentait strictement aucun intérêt sur le plan de l’information. On l’a bien compris, un certain nombre de personnes et de médias bien intentionnés, ont voulu profiter de cette affaire qui concernait un proche du président de la République pour tenter d’atteindre et d’affaiblir le chef de l’Etat.

Très objectivement, tout cela paraît grotesque car on voit mal en quoi le président pourrait être concerné. Tout au plus peut-on lui reprocher un manque de rigueur dans le choix de ses collaborateurs, bien qu’il ne soit probablement pour rien dans ce choix. Comment exiger d’un homme politique qui était encore inconnu il y a deux ans et sans le moindre parti politique à ses côtés, que ses nombreux collaborateurs soient irréprochables en tous points ? Cette affaire n’est rien de plus qu’une tempête dans un verre d’eau que certains ont voulu monter sur un plan politique. Cela en dit long sur les collusions entre certains médias et la Justice qui organise manifestement certaines fuites.

Une qualité de l’information télévisée en forte baisse en France alors que les fake news se répandent de plus en plus

Ainsi, cet été certaines chaînes n’ont pas hésité à relayer complaisamment le périple d’un certain Hollande qui tente péniblement de réémerger et de se refaire une virginité politique, lui, le plus mauvais président que la France ait connu et qui a conduit notre pays dans l’impasse. Voudrait-on faire croire que ce personnage à encore un avenir politique ? Avec moins de 10% des français à souhaiter son retour, c’est tout simplement grand guignolesque et en dit long sur l’attitude complaisante des journalistes durant son mandat. Le président Emmanuel Macron, en moins d’un an, a eu le mérite de réaliser ou enclencher d’importantes réformes, quitte à déplaire à un certain nombre de ses électeurs, contrairement à son prédécesseur qui n’avait rien fait durant 5 ans. Gouverner c’est en effet préparer l’avenir du pays en faisant preuve de rigueur et de courage, qui à déplaire au plus grand nombre.

La désinformation de certains médias français a atteint son comble cet été. Ce fût notamment le cas à propos de la limitation de vitesse à 80 km/h où nombre de médias n’ont pas hésité à colporter les énormités et mensonges des opposants à cette mesure qui n’ont eu de cesse de raconter n’importe quoi, à défaut de véritables arguments sur le fond. Certains médias ont pourtant cédé aux sirènes du populisme le plus primaire qui puise ses racines dans les pires théories complotistes. Il ne reste plus qu’à espérer que la vraie information, pourtant très fournie ces derniers temps, redevienne rapidement au-devant la scène. Mais il est vrai qu’elle est moins sexy et captive beaucoup moins la majorité des français qui aiment tant que l’on dénigre les politiques pour lesquels ils ont pourtant voté…

L’actualité française est à elle seule considérable avec les nombreuses réformes en cours et à venir, les problèmes d’immigration en France et en Europe, les difficultés de certaines entreprises face à la mondialisation, la croissance économique en berne, le manque de compétitivité des entreprises françaises, les difficultés de l’hôpital et de la médecine en général, l’intelligence artificielle… Et puis il y a le grand sujet essentiel de l’avenir de l’Union européenne avec les élections de 2019, le Brexit qui s’annonce très mal. Encore plus d’actualité pour l’avenir des générations futures, les risques liés au changement climatique n’ont jamais été aussi importants, l’avenir du commerce international, les tensions politiques et économiques pire que jamais avec une possible crise internationale profonde, voire même le risque de guerre que l’on ne peut aujourd’hui écarter.

Le monde est plus que jamais instable et très incertain. La Chine qui veut contrôler le monde est aux mains d’une dictature et ce n’est guère mieux en Russie. N’oublions pas le dictateur de Turquie qui veut imposer ses vues à tout prix, mais aussi l’Iran et la Corée du nord dirigée par un fou. Ce contexte est d’autant plus inquiétant que les USA sont aujourd’hui fragilisés par un président imprévisible et pour le moins « dérangé » et qui veut lui aussi en découdre avec tout le monde, y compris ses vieux alliés européens. A cela s’ajoute l’arrivée au pouvoir en Europe de gouvernement populistes, tout aussi imprévisibles et instables indirectement soutenus par Poutine, qui vont fragiliser un peu plus l’Union.

Manifestement, ces sujets ô combien important pour l’avenir de chacun de nous et les générations futures, la plupart des médias audiovisuels français les marginalisent en nationalisant l’actualité qui se concentre sur la politique et les faits divers. Probablement parce que ces sujets ne sont pas de nature à mobiliser les audiences. Drôle d’information ! La dérive vers la désinformation est à son comble quand certains médias en sont réduits à colporter de simples allégations invérifiables diffusées sur les réseaux sociaux par des spécialistes de la désinformation et du complot qui diffusent les pire fake news. Les complotistes et autres manipulateurs ont un bel avenir si l’on n’y prend garde. Une évolution inquiétante et dangereuse pour nos démocraties.

Oui, la monde dans lequel nous vivons n’a jamais été aussi mal. Face aux manipulations et autres fake news des réseaux sociaux qui polluent l’information, plutôt que d’entretenir un populisme mortifère, la télévision en particulier et les médias en général, seraient mieux inspirés de faire leur travail d’information pour exposer, en toute objectivité, les importants enjeux du monde d’aujourd’hui. C’est probablement beaucoup moins sexy et porteur d’audience mais c’est le monde réel dans lequel nous vivons. L’information, la vraie, c’est le décryptage sans concession du factuel et non le simple colportage de faits non avérés et marginaux.

La lutte contre la montée du populisme et ses idées simplistes passe par une information de qualité dûment vérifiée et sans complaisance, dans nos démocraties. En France, nous en sommes encore loin. Cessons de regarder notre petit nombril et adaptons-nous à un monde qui change durablement.


Face aux géants du net, l’Europe impose le RGPD pour protéger les données personnelles

14 Mai 2018

La toute puissance et les excès des Gafam de ces dernières années devraient permettre l’émergence de nouveaux entrants en Europe, plus respectueux de la vie privée et du droit en général. A cet égard, le scandale qui secoue des derniers temps Facebook et son fondateur et CEO Marc Zuckerberg, doit permettre aux européens de reprendre la main pour faire de l’industrie numérique mondiale, une industrie sûre et respectueuse des lois en vigueur.

L’ampleur des données personnelles de 87 millions d’américains vendues à la société britannique Cambridge Analytica, l’un des leaders mondiaux du traitement des données par algorithme n’a pas fini de défrayer la chronique mondiale. Rappelons que Cambridge Analytica est une société de communication stratégique créée en 2013 à l’initiative de Robert Mercer et Steve Bannon en vue de préparer l’élection à la présidence américaine en 2016. L’objectif avoué étant de faire apparaître un candidat hors des grands partis traditionnels en se fondant sur la montée d’un fort courant populiste aux USA.

La société Cambridge Analytica aurait d’abord proposé ses services au candidat à la primaire républicaine Ted Cruz, puis à Donald Trump dont Steve Bannon fût l’un de ses plus fidèles conseillers durant la campagne, puis à la Maison Blanche avant d’être viré. L’exploitation des données personnelles acquises auprès de Facebook aurait notamment permis de cibler des électeurs américains déçus par Obama dans quelques Etats habituellement acquis aux démocrates en vue de les faire basculer dans le camp de Trump. Ceci explique probablement la victoire surprise de Trump dans quelques Etats qui ne lui étaient pas acquis, et ce, malgré un nombre de voix bien moindre que son adversaire Mme Hilary Clinton.

Les mêmes soupçons de manipulation d’électeurs pèsent sur le référendum organisé en 2016 au Royaume-Uni qui avait vu la courte victoire surprise des partisans du Brexit. Ici aussi, la société Cambridge Analytica avait apporté son savoir-faire au service du Brexit !

Sans les importantes données personnelles cédées par Facebook à Cambridge Analytica, jamais la société n’aurait été en mesure de peser de près ou de loin sur ces deux scrutins majeurs et il est probable que le résultat aurait été tout autre.

Pour préserver nos démocraties et nos libertés individuelles, il n’est que temps de réglementer, si ce n’est au niveau mondial, au moins au niveau européen, les entreprises du numérique de quelque nationalité qu’elles soient.

Le Règlement européen sur la protection des données (RGPD) 

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) ou GDPR dans sa version anglaise, impose à compter du 25 mai 2018 de nouvelles contraintes aux administrations et entreprises concernant le traitement des données à caractère personnel (Règlement UE 2016/679 du 27 avril 2016). L’objectif de l’Union européenne est d’offrir un cadre renforcé et harmonisé de la protection des données en prenant en compte les dernières évolutions technologiques (Big Data, objets connectés, intelligence artificielle, algorithmes…) et des défis qui accompagnent ces évolutions futures. En vue de renforcer le droit des individus, de nouvelles obligations contraignantes seront imposées à un grand nombre d’organismes publics et privés concernant le traitement des données.

Le RGPD vise à protéger les individus qui vont ainsi voir leurs droits mieux sécurisés ; il s’agit notamment :

• D’obligation d’information de la part des entreprises envers les personnes
• De restriction en termes de recueil du consentement
• Du droit à la portabilité des données recueillies,
• Du droit à l’effacement de celles-ci

Le RGPD prévoit entre-autre que :

• Les entreprises doivent notifier les violations de données personnelles dans le délai de 72 heures
• Le droit d’accès des personnes à leurs données personnelles sera renforcé
• Les collecte de données sans consentement sera proscrit par la limitation du profilage des consommateurs
• Le droit à l’oubli des personnes sera renforcé
• Les administrations et entreprises devront nommer un délégué à la protection des données (DPO), responsable de la surveillance et de l’enregistrement des données

En France, la CNIL sera chargée de la bonne application du RGPD

Le Parlement français, après maintes discussions entre l’Assemblé nationale et le Sénat a finalement adopté le 19 avril dernier le projet de loi relatif à la protection des données afin d’adapter le droit français au RGPD et mettre à jour la loi Informatique et Liberté adoptée en 1978, date à laquelle avait été créée une Haute autorité indépendante en charge du dossier : la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés)

En Europe et dans de nombreux pays du monde, le RGPD est perçu comme une chance de remettre un peu plus d’égalité dans la compétition mondiale que se livrent aujourd’hui les entreprises du numérique, largement dominées par les Gafam (Googler, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…) et bientôt par les géants chinois (Alibaba, Baidu, Xiaomi…). En effet, toutes les sociétés, quelles que soient leur nationalité et leur secteur d’activité, devraient être soumises de plein droit à la RGPD.

Pour le secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, il s’agit d’un texte très important pour nos libertés individuelles mais aussi pour notre avenir économique. Le RGPD devrait aussi permettre d’avoir dorénavant un standard européen en matière de traitement des données numériques qui ne pourra que contribuer à faciliter les échanges entre les entreprises européennes et sécuriser les personnes qui font appel à elles.

Mark Zuckerberg, CEO de Facebook, déclarait lors de sa récente audition devant la commission parlementaire américaine à propos du scandale Cambridge Analytica qui secoue sa société (détournement de données personnelles de plus de 87 millions de personnes à des fins électorales) : « Le RGPD en général va être un pas très positif pour l’internet… Les gens comprendront quels sont les contrôles et ils devront consentir au recueil de leur données… » Une déclaration faite pour sauver la face en vue de s’attirer la sympathie des parlementaires mais sur laquelle il s’est bien gardé de s’engager précisément.

D’ailleurs, si tôt l’annonce par l’UE de la mise en place du RGPD, Facebook s’est empressé de transférer le siège de la société jusque-là basé en Irlande, pour le rapatrier aux USA afin d’être moins exposé à ces nouvelles dispositions contraignantes. C’est dire !

En France, l’application de la RGPD relèvera du régulateur des données : la CNIL qui sera chargée d’instruire les plaintes, y compris les recours collectifs. A compter de son entrée en vigueur le 25 mai, les administrations et entreprises qui ne s’y conformeront pas seront passibles de sanctions financières pouvant aller jusqu’à 4% de son chiffre d’affaires annuel mondial après avertissement et mises en demeure.

Nul doute que l’Union européenne va dorénavant scruter l’attitude des géants mondiaux du numérique.

Plus d’informations :

Le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) n° UE 2016/679 du 27 avril 2016
La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés)


Midi-Pyrénées / Languedoc-Roussillon : Rapprochement en vue entre les journaux « Midi-Libre » et « La Dépêche du Midi » ?

2 septembre 2014

En France comme ailleurs, les restructurations vont bon train dans la presse papier. Elles pourraient conduire à une nouvelle concentration dans la presse quotidienne régionale du quart sud-ouest de la France où chacune des trois régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon disposaient jusque-là de groupes de presse indépendants. Pas sûr que ces influences issues de l’après-guerre perdurent, notamment en Languedoc-Roussillon.

Les Journaux du Midi (Midi-Libre, l’Indépendant et Centre-Presse) présents en Languedoc-Roussillon et Aveyron avaient rejoint le groupe Sud-Ouest, voici quelques années, après avoir quitté le giron du groupe Le Monde. La restructuration du groupe les Journaux du Midi a permis un retour à l’équilibre financier. Mais à son tour, le groupe Sud-Ouest sort de sa propre restructuration et serait aujourd’hui à la recherche de partenaires pour financer son développement.

C’est dans ce contexte que La Dépêche du Midi, dirigée par Jean-Michel Baylet, a annoncé voici quelques jours être entrée en négociation exclusive avec le groupe Sud-Ouest pour prendre le contrôle majoritaire des Journaux du Midi.

Si elle devait se faire, l’opération donnerait naissance à un nouveau géant de la presse quotidienne régionale dans le grand sud. Au dire des spécialistes, de nombreuses synergies pourraient être mises en œuvre entre les deux groupes La Dépêche du Midi et Les Journaux du Midi dans un contexte de crise de la presse écrite. Le schéma envisagé prévoit que le groupe Sud-Ouest conserverait une minorité de blocage de 33.4%. Dans cette opération, la Dépêche du Midi qui souhaite détenir au moins 51% du capital, aurait pour partenaires le groupe La Montagne Centre France et divers investisseurs locaux.

Les négociations devraient durer jusqu’à la fin de l’année, sachant que Jean-Michel Baylet ne serait prêt à investir pour sa part que 15 millions d’euros pour 50% du capital alors que le groupe Sud-Ouest avait acquis l’ensemble des Journaux du Midi pour prés de 90 millions d’euros en 2007. Un sacrée décôte qui traduit les difficultés actuelles de la presse papier, qu’elle soit nationale ou régionale.

Quelles conséquences pour les lecteurs de la région qui verraient alors l’intégralité de la presse écrite de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon tomber dans l’escarcelle d’un seul et unique groupe de presse, qui plus est, politiquement classé à gauche alors que les Journaux du Midi se voulaient plus indépendants. Qu’en sera-t-il en Aveyron où subsistent encore trois quotidiens (Midi-Libre, Centre-Presse et la Dépêche du Midi) qui feraient demain partie du même groupe de presse ? Pas sûr que la diversité et l’indépendance de la presse y gagnent. Quoi que….

Cette opération de rapprochement de la presse quotidienne régionale en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon donnerait à coup sûr naissance à un groupe de presse disposant du monopole de l’information écrite sur l’ensemble de la future région allant de Toulouse à Montpellier. Un moyen de favoriser l’unité et le développement de cette future région du sud de la France qu’est le grand Languedoc ?

 


France : depuis quelques mois, le journal l’Opinion est entré dans le club très fermé des quotidiens nationaux

24 juillet 2013

L’Opinion a été officiellement lancé le 15 mai 2013. Son président-fondateur Nicolas Beytout, ex-patron du quotidien économique Les Echos et ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Figaro, en est le principal actionnaire et le directeur de la rédaction.

Le journal se veut un média de nouvelle génération engagé et ouvert. Sa ligne éditoriale est libérale, pro-business et européenne. La rédaction compte 39 salariés dont 30 journalistes sous la direction de Rémi Godeau, ancien directeur de la rédaction de l’Est-Républicain. L’édition en ligne dédiées au web, tablettes et smartphones dispose de son propre rédacteur en chef : Philippe Rarer. De nombreux journalistes sont issus de la presse quotidienne ou des hebdomadaires français.

La version papier du quotidien au format berlinois est vendue au prix de 1,50 € à l’unité en kiosque. De nombreuses formules d’abonnement papier ou internet sont disponibles à partir de 21 € par mois à 126 € pour 6 mois. Le nouveau quotidien paraît du lundi au vendredi, avec une pagination limitée de 8 à 12 pages. L’Opinion est propriété du groupe Bey medias dirigé par Nicolas Beytout qui en est l’actionnaire majoritaire.

Voici la présentation du journal par Nicolas Beytout (rubrique : « Qui sommes-nous » du site http://www.l’opinion.fr)

« L’Opinion est un média nouvelle génération présent sur tous les supports : à la fois un site Internet, des applications pour mobiles et tablettes, une chaîne vidéo et un journal papier. La combinaison de ces différentes formes de publication, en bénéficiant des technologies les plus récentes, donne à ce projet un caractère réellement innovant.

Il allie l’innovation et les coûts serrés d’Internet à la puissance du papier.
Il additionne l’audience que confère Internet à l’influence qui reste celle du papier.

Ce nouveau média est un média d’opinion. Engagé et ouvert, il défend ses idées en donnant aussi la parole à ceux dont l’opinion est différente.
Sa ligne éditoriale est claire :  libérale, pro-business, européenne.
Ce média est aussi un projet de journaliste, entièrement tourné vers la création de contenus par des journalistes expérimentés et influents
. »

Dans un pays en crise, où la presse n’est pas épargnée, on ne peut que souhaiter bon vent au journal l’Opinion qui entend se faire une place au soleil en tant que nouveau média.

Plus d’infos : L’Opinion 14 rue de Bassano 7116 Paris – www.lopinion.fr


France : la pression monte sur le marché de la téléphonie mobile avec l’arrivée prochaine de Free Mobile

5 septembre 2011

La guerre des prix et des offres de téléphonie mobile fait rage depuis quelques mois et cela risque de s’accentuer d’ici début 2012.

Au début de l’été, Bouygues-Télécom a tiré le premier en proposant une offre low-cost « B&You » compétitive, distribuée exclusivement sur Internet. SFR avait suivi en lançant ses offres Carrées et annonce courant septembre de nouveau rabais sur ses forfaits. De son côté,  Orange proposera dés le 7 septembre une offre « Sosh » à des tarifs toujours plus bas, mais disponible uniquement sur internet. Sans oublier les nouvelles offres compétitives de Numéricable et de nombreux MVNO, à commencer La Poste Mobile et Virgin Mobile.

Pourquoi cette soudaine agressivité des opérateurs mobiles français alors que leurs offres étaient réputées parmi les plus chères en Europe depuis de nombreuses années ?

La réponse est simple : Free Mobile. L’arrivée début 2012 du 4ème opérateur de téléphonie mobile devrait en effet bouleverser le marché français. Le trublion des télécoms qui a imposé son tarif de 30 euros /mois dans l’ADSL entend tenir sa promesse de diviser par deux la facture mobile des Français. Xavier Niel, fondateur et directeur général d’Iliad (maison mère de Free), qui a du ferrailler de longues années pour obtenir sa licence mobile face à l’opposition des opérateurs existants, ne cesse de dénoncer les forfaits incompréhensibles et illisibles de ses concurrents. «Depuis 2008, nos concurrents ont baissé la facture du client de 10%. On est loin du compte ! »  affirme-t-il.

Même si le silence est de mise, Free Mobile prépare minutieusement son débarquement sur le marché du mobile français pour la fin de l’année et plus certainement début 2012 ; le temps de déployer son réseau 3G qui doit atteindre 25% de la population française à cette date.

Il se murmure ici et là (cf Freemobileasso.com) le lancement d’un forfait à 5,99 € / mois incluant deux heures d’appels, les SMS illimités et les appels gratuits vers la Freebox, d’un autre à 9.99 € /mois pour 5 heures d’appels et d’un forfait à 29,99 €/mois pour le tout-illimité.  A ces tarifs, on comprend que les concurrents s’inquiètent.

Après l’ADSL, la bataille promet d’être rude dans le mobile avec l’arrivée de Free Mobile. Les français devraient en être les gagnants alors que les tarifs de la téléphonie mobile étaient parmi les plus élevés d’Europe. L’année 2012 s’annonce comme le big-bang du mobile en France et chaque opérateur affûte d’ores et déjà ses armes. Voilà qui ne devrait pas déplaire aux consommateurs !

Pour plus d’infos :

Prochainement : Free Mobile prépare son arrivée sur la marché français


Al Jezeera : chaîne d’information indépendante ou voix de l’intégrisme islamique ?

6 juin 2011

Fondée en 1996 par l’émir du Qatar, Hamad bin Khalifa Al-Thani, la chaîne Al Jezeera dont le siège est à Doha, est financée pour partie par son gouvernement. Wadah Khanfar, le directeur général de la chaîne, ne manque pas de rappeler l’engagement d’Al Jazeera dans le monde arabe : « Plus informés, nous pensons que les peuples de cette région et d’ailleurs pourront faire de meilleurs choix pour mener leur vie et pour se diriger vers un avenir plus pacifique et démocratique, peu importe où ils vivent. »

La liberté apparente affichée par la chaîne et la place donnée des opposants à certains régimes inquiète les chefs d’Etat du monde arabe, mais aussi nombre de pays occidentaux. Al Jazeera joue un rôle important dans les révolutions du monde arabe. Elle avait largement couvert les prémices de la révolution tunisienne, dés décembre 2010. Comme en Tunisie et en Egypte hier, la chaîne est interdite à Bahrein, en Algérie, en Lybie et en Irak. Aux Etats-Unis, elle n’est pas diffusée via les réseaux câblés nationaux. C’est dire la réserve des autorités américaines concernant ce média très controversé, réputé ouvert aux courants islamiques les plus extrémistes, proche des frères musulmans, des salafistes (courant sunnite revendiquant un retour à l’islam original)  et même des talibans selon certains.

Al Jazeera ne traite pas l’information de la même manière selon le pays. Depuis février 2011, après la chute d’Hosni Moubarak en Egypte contre lequel elle s’était déchaînée, la chaîne d’information a mis le paquet sur la Libye pour relayer la révolution contre Kadhafi.  Malgré son prétendu professionnalisme, à y regarder de plus prés, Al Jazeera n’apparait pas comme un média impartial et indépendant ; tout au moins comme on l’entend dans le monde libre. Ainsi, la chaîne apparaît très arrangeante, pour ne pas dire complaisante lorsqu’il s’agit du Qatar et de ses intérêts, mais aussi de l’Arabie Saoudite et même de l’Iran dont la chaîne a fort peu relayé la révolution et les manifestations qui s’y déroulent régulièrement. De la même manière, aujourd’hui Al Jezeera reste relativement sobre sur les révolutions en cours en Syrie et au Yémen alors que ces dictatures massacrent quotidiennement des dizaines d’innocents, contrairement aux révolutions pacifiques en Tunisie et Egypte.

Des choix qui ne doivent probablement rien au hasard. Le militantisme et la défense de la cause islamique ont tendance à prendre le dessus sur la liberté et l’indépendance de l’information. Son revirement à l’égard de l’Arabie saoudite est symptomatique. Très critique à ses débuts, Al Jazeera s’est progressivement montrée plus complaisante vis-à-vis du royaume wahhabite, qui est aujourd’hui un ami du Qatar d’où elle émet et qui la finance. Toutefois très méfiante vis-à-vis de la chaîne du Qatar, l’Arabie Saoudite a elle-même lancé sa propre chaîne concurrente d’information en continue en langue arabe : Al Arabiya.

Il subsiste de grandes différences entre les deux chaînes d’information arabes. Sur Al Arabiya, deux courants contrôlent la chaîne : l’un rassemble les libéraux saoudiens, proches des Etats-Unis qui prônent une forme de modernité, l’autre, représenté par les libanais et les anti-Hezbollah favorables au renforcement des Etats-Unis dans la région.  Selon de nombreux spécialistes, sur la Tunisie, l’Egypte et la Lybie, Al Arabia aurait aussi bien couvert les évènements qu’Al Jazeera. Pour autant, du fait de la peur d’une contagion des Saoudiens, elle s’est montrée sensiblement moins enthousiaste et moins militante.

En dépit des nombreuses controverses la concernant, Al Jazeera conserve sa place de première chaîne arabe et a même vu son audience augmenter avec les révolutions arabes. Egalement diffusée en langue anglaise, à destination du monde occidental, la chaîne du Qatar n’entend pas en rester là et souhaite profiter des révolutions arabes pour accroître son audience planétaire. Ainsi, elle pourrait prochainement émettre en français, afin de mieux couvrir le Magreb et l’Afrique francophone. C’est vrai qu’il y a encore beaucoup de révolutions à venir dans le monde… De quoi diffuser plus largement une vision islamique à travers le monde …


WikiLeaks : information et transparence ou manipulation médiatique ?

9 décembre 2010

Selon le site de WikiLeaks, depuis le 28 novembre 2010, celui-ci a commencé à publier 251.287 mémos diplomatiques résultant de fuites en provenance de diverses ambassades des États-Unis. Il s’agirait du plus grand ensemble de documents confidentiels jamais rendus publics qui devrait donner aux habitants du monde entier un aperçu des activités du gouvernement américain à l’étranger.

Une semaine après leur mise en ligne, les documents diplomatiques révélés par WikiLeaks continuent d’agiter le landerneau politico-médiatique. Si les précédentes fuites orchestrées par Julian Assange avaient été vite circonscrites, cette nouvelle série de publications semble vouloir durer dans le temps. En choisissant de distiller la publication des mémos en sa possession, le site tente de s’imposer comme une source d’information incontournable et dicter ainsi son propre rythme à la presse traditionnelle. Sous couvert de prétendue transparence, ne s’agit-il pas  d’une forme de manipulation de l’information ?

Les documents publiés à ce jour, ne dépassent pas le millier sur un total de plus de 250 000. Ils auraient été préalablement étudiés et vérifiés par une équipe de journalistes d’investigation appartenant aux journaux partenaires (le Guardian, le New York Times, Der Spiegel, Le Monde et El Pais). A cet égard, Julian Assange, fondateur et animateur de WikiLeaks, affirme que ce sont ces mêmes rédactions qui choisissent les informations qu’elles publient ou non.  Serait-ce donc aux journalistes de protéger les secrets d’Etats ?

Quant-à la transparence absolue proclamée par WikiLeaks, elle est loin d’être établie : filtrage des mémos publiés, publication restreinte d’un nombre limité de documents, mise en ligne via une interface inaccessible au grand public, impossibilité de vérifier l’origine précise et l’authenticité des documents… Au passage, ceux qui s’étaient enflammés contre WikiLeaks ne sont-ils pas aujourd’hui les mêmes qui avouent que les dernières révélations diplomatiques n’apprennent finalement rien de nouveau ?

Fallait-il publier ces documents internes à la diplomatie américaine alors qu’ils ont été volés ? Les journaux partenaires ne se sont-ils pas rendus coupables de recel ? En diffusant ces documents secrets volés dont certains pourraient s’avérer dangereux pour diverses personnes impliquées, voire pour la sécurité de certains Etats, la presse ne va-t-elle pas trop loin en profitant de la liberté d’expression et d’information qui fait la force des grandes démocraties ? Plus simplement, WikiLeaks par sa volatilité née de la multitude de ses serveurs à travers le monde,  n’a-t-il pas organisé lui-même une véritable machine à faire du buzz ?

Les documents publiés ont-ils une utilité ? On peut en douter au jour d’aujourd’hui. En effet, en y regardant de plus près, force est de constater que la plupart des articles publiés, souvent rédigés par des spécialistes du domaine de l’information, ne font finalement que confirmer des informations que la presse connaissait déjà plus ou moins. Au final, bon nombre de ces documents ne semblent pas avoir grand intérêt politique ou stratégique, si ce n’est pour la presse en mal d’audience, de trouver là le moyen distiller auprès du grand public certains détails parfois croustillants. Tout çà pour çà ?

Beaucoup de questions demeurent sans réponse. Qui alimente WikiLeaks en documents diplomatiques américains et dans quels buts ? Cette volonté de distiller les documents au compte goutte et de créer le buzz permanent ne participe-t-elle pas à une forme d’instrumentalisation de l’information, voire à la désinformation ? Au service de qui travaille WikiLeaks ? Pourquoi s’acharner à divulguer des informations confidentielles d’une grande nation libre, où il demeure très facile de percer les secrets d’Etat, plutôt que celles émanent de nations non démocratiques et autres dictatures qui menacent quotidiennement la sécurité et notre propre liberté à travers le monde ? Qui manipule qui ?

Loin de la transparence affichée et de la liberté d’information, WikiLeaks relève davantage de la manipulation et de l’affairisme médiatique.

En attendant, le fondateur du site, Julian Assange est accusé d’agressions sexuelles en Suède. Il s’est rendu à la Police britannique ce mardi 07 décembre, avant d’être placé en détention provisoire, le temps pour la justice britannique de se prononcer sur la demande d’extradition émise par les autorités suédoises.