Ce dimanche 23 juin, sur France Inter, Arnaud Montebourg, le ministre français du redressement productif a tout bonnement accusé José Manuel Barroso d’être « le carburant du Front national ». Et d’ajouter : « Je crois que la principale cause de la montée du Front national est liée à la façon dont l’UE exerce aujourd’hui une pression considérable sur des gouvernements démocratiquement élus ».
On connaît la modération légendaire d’Arnaud Montebourg ! Mais là, il dépasse les bornes en tentant de faire de Bruxelles le bouc émissaire du résultat important qu’à recueilli le représentant du Front national lors du deuxième tour de la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot. Tout d’abord, Montebourg oublie les raisons essentielles de l’échec de la gauche et du bon résultat du parti de Mme Le Pen à ce scrutin, à savoir que c’est Jérôme Cahuzac, ancien député et ministre socialiste, qui est directement à l’origine de cette élection. Outre ce discrédit jeté sur toute la classe politique, c’est aussi l’absence de véritables résultats du gouvernement face à la crise et à la montée du chômage qui a contribué à piètre résultat enregistré par la gauche.
M. Barroso n’est ici strictement pour rien dans ce résultat ! Il est purement et simplement honteux qu’un ministre de la République tienne de tels propos, totalement faux et irresponsables. Plus grave, ni le Premier ministre, ni le président de la République, n’ont rappelé le ministre à l’ordre pour ces propos, approuvant ainsi implicitement Montebourg.
Interrogé sur France 2 sur les propos tenus par Montebourg, Michel Barnier, commissaire européen, n’a pas mâché ses mots : « c’est à la fois faux et absurde », a-t-il affirmé. « Il y a deux leçons à tirer de cette législative partielle: c’est d’abord le comportement du député précédent qui a provoqué l’élection, ça personne ne doit l’oublier », a expliqué l’ancien ministre de l’Agriculture de Nicolas Sarkozy qui a cru bon d’ajouter : « A Villeneuve-sur-Lot comme partout en France c’est le chômage, c’est l’inquiétude, c’est l’insécurité, c’est la crise économique et sociale très profonde et ça c’est le coeur de ce que doit être l’action politique, l’action des ministres ».
Les socialistes français ont une relation pour le moins compliquée avec l’Europe. Parmi leurs membres, on compte à la fois des personnalités les plus favorables à la construction européenne, mais aussi ses plus fervents détracteurs. On se rappelle d’ailleurs les affrontements internes fratricides entre les adeptes du traité de Maastricht et les opposants au référendum sur la Constitution européenne en 2005, en passant par le pacte de discipline budgétaire en 2012, finalement adopté pour le gouvernement socialiste et M. Hollande. On se rappelle encore qu’il y a quelques semaines, le vote des militants socialistes sur un texte sur l’Europe, en vue des élections européennes de 2014, avait été extrêmement critique à l’égard de notre principal partenaire européen et la politique conduite par la chancelière Angela Merkel. Ce qui avait valu à M. Hollande de sérieuses remontrances du gouvernement allemand et avait nécessité une mise au point de ce dernier pour finalement ce désolidariser de ce texte.
On retrouve ces mêmes clivages politiques au sein même du gouvernement socialiste actuel, entre un Arnaud Montebourg protectionniste et un Pierre Moscovici qui défend l’orthodoxie budgétaire si chère à Bruxelles. Ce qui n’est pas sans générer de nombreuses et importantes tensions entre de nombreux ministres du gouvernement français, dont ces deux là.
Combien de temps encore Hollande pourrait-il surfer entre ces deux tendances pro-européennes et anti-européennes au sein de son gouvernement et du parti socialiste et cacher ses profondes divisions ?
Courant mai 2013, la Commission européenne avait donné ses recommandations au gouvernement français, notamment concernant les réformes structurelles à mener en priorité, rappelant cruellement à ce dernier qu’il avait ratifié en 2012 le traité de discipline budgétaire de l’Union européenne et qu’un délai supplémentaire de deux ans lui avait été exceptionnellement accordé pour lui permettre de revenir à un déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB dés 2015.
A force d’entretenir l’ambiguïté sur sa ligne politique et de tergiverser en permanence, le navire France tangue sérieusement de l’intérieur, ce qui inquiète fortement la flotte européenne qui aimerait un cap clair et précis pour les années à venir. Ce n’est certainement pas en tentant de faire porter les difficultés actuelles de la France sur l’Europe, que le gouvernement socialiste gagnera en crédibilité et réglera durablement les problèmes internes. Le jour viendra, probablement plus tôt qu’on ne le pense, où Hollande devra enfin trancher !