Face à une chute prévisible de la croissance estimée à 2.25% du PIB lors de l’adoption du budget de l’année 2011, le gouvernement français se devait de prendre des mesures énergiques pour contenir les déficits publics de à 5.70% du PIB, comme il s’y est engagé, au même titre que l’ensemble des pays de la zone euro. Le consensus des organismes de prévision table aujourd’hui sur une croissance de l’ordre de 1.60 à 1.80% seulement.
Rappelons que parmi les engagements pris par la France pour réduire sa dette, figure celui de retrouver d’ici 2013 un niveau de déficits publics inférieur à 3% du PIB. Pour y parvenir, le déficit ne doit pas dépasser 5.70% du PIB en 2011 et 4.60% en 2012. Pour respecter ses engagements et être en mesure de contenir ses déficits publics à moyen terme, le gouvernement français n’avait d’autre choix que d’ajuster le budget en rapport avec les prévisions actuelles. Le gouvernement avait le choix entre augmenter les impôts et taxes et réduire drastiquement certaines dépenses ou les deux à la fois.
Le 24 août dernier, le Premier ministre François Fillon est donc passé à la manœuvre et a annoncé un certain nombre de mesures concernant à la fois les recettes et diverses économies, à hauteur de 1 milliard d’euros pour 2011 et 11 milliards d’euros pour 2012. Cet ensemble de mesures, basé sur une croissance de 1.75% en 2011 et 2012, concerne principalement une augmentation des impôts ou taxes.
En voici les principales :
- Limitation des reports des déficits des entreprises. Concrètement, le report des pertes sur un exercice passé sera limité à la seule année antérieure (au lieu de 3 précédemment) ; l’excédent non imputé, sera reporté en avant. Les déficits imputables sur les exercices futurs seront plafonnés à 60% du bénéfice contre 100% actuellement. Ce dispositif s’inspire de ce qui se pratique en matière d’impôt sur les sociétés en Allemagne et s’inscrit dans le cadre de l’harmonisation de cet impôt entre les deux pays, annoncé récemment par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel (rapport : 1.5 milliards d’euros en 2012),
- Majoration des plus-values immobilières afférentes aux résidences secondaires. Les plus-values seront revues à la hausse du fait de la suppression de l’abattement forfaitaire de 10% par année de détention au-delà de la cinquième année. Seule l’inflation sera prise en compte pour son taux réel (rapport : 2.2 milliards d’euros en 2012)
- Augmentation des contributions sociales de 1.2% (CSG, CRDS, prélèvement social, contribution de solidarité…) afférentes aux revenus du capital qui passeront à 13.50% (rapport : 1.3 milliards d’euros en 2012),
- Augmentation des taxes spécifiques dues par les complémentaires santé de 2 à 3.5 points selon le type de contrat (rapport : 1.1 milliards d’euros en 2012),
- Elargissement de l’assiette de la CSG par la suppression de réductions ou de dérogation (rapport : 0.800 milliards d’euros en 2012),
- Renchérissement pour les employeurs des heures supplémentaires par la remise en cause de certains allègements de charges (rapport : 0.600 milliards d’euros en 2012)
- Augmentation des prix du tabac de 6% (rapport 0.400 milliards d’euros)
S’agissant de l’instauration d’une contribution exceptionnelle de 3% sur les très hauts revenus du travail et du capital supérieurs à 500 000 euros, elle ne devrait rapporter que 200 millions d’euros, autant dire une goutte d’eau. Compte-tenu du relativement faible niveau d’imposition des hauts revenus en France et de l’écart croissant entre les hauts revenus et les bas salaires, on était en droit d’attendre la mise en place d’une contribution plus large et d’un meilleur rapport comme le souhaitaient de nombreux parlementaires de la majorité au Parlement.
Le reproche que l’on peut faire à ces mesures (c’est toujours plus facile de critiquer), outre leur nombre important dont certaines de portée modeste par leur rapport, c’est qu’elles ne s’attaquent pas à la réduction des dépenses publiques structurelles qui pénalisent lourdement notre pays. Ces dernières sont en moyenne de 8 à 10 points plus élevées que les grands pays européens, et notamment de l’Allemagne qui reste pourtant un pays fort bien administré qui fait référence en Europe. Il semble cependant des mesures en ce sens devraient être envisagées ultérieurement.
Manifestement, dans un contexte économique difficile pour de nombreux français aux revenus modestes mais aussi très probablement, en raison de la proximité de l’élection présidentielle (elles auront lieu dans moins de 8 mois), le gouvernement n’a pas voulu couper dans les dépenses et a préféré jouer la prudence, n’en déplaise à l’opposition. Peut-être aussi n’a-t-il pas voulu aggraver les effets de la crise sur les français et grever un peu plus la croissance, en choisissant de faire porter l’essentiel des augmentations d’impôts et taxes sur les grandes entreprises et les contribuables les plus aisées.
Reconnaissons que la marge de manœuvre offerte au gouvernement était extrêmement étroite. Espérons que ces mesures suffiront à contenir nos déficits dans les fourchettes prévues pour 2011 et 2012. Pour les réformes de fond visant à réduire drastiquement les dépenses publiques en France, il faudra attendre que l’élection présidentielle soit passée. En effet, quel que soit le vainqueur, le pays ne pourra échapper à une politique de réduction des dépenses. La prochaine campagne présidentielle ne pourra éluder cette question cruciale pour notre pays.