A l’approche des élections municipales de 2020, l’un des arguments de campagne pourrait être la gratuité des transports urbains, et pas uniquement dans les petites villes.
Même la ville de Paris, via sa maire Anne Hidalgo, avait lancé le débat sur la gratuité des transports parisiens voici quelques mois. Au point que la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse en charge de l’exploitation des transports en commun parisiens (Ile-de-France Mobilités – ex STIF), a dû elle aussi, s’engager sur ce terrain pour le moins glissant.
Nombre de villes moyennes françaises semblent s’orienter vers la gratuité des transports pour 2020
Si la majorité municipale de la ville de Paris est favorable à la gratuité des transports, après étude, la présidente de région Ile-de-France s’y est dite opposée. En effet, outre le coût très élevé de la gratuité des transports en région parisienne estimé à plus de 2.5 milliards d’euros par an, Valérie Pécresse a tenu à préciser : « Je suis contre l’idée que tous les services publics doivent être gratuits. Le service public a un coût. » Voilà qui est dit !
Si ce coût d’exploitation reste généralement très élevé dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, il reste plus modeste dans les villes de moindre importance qui disposent généralement d’un simple service d’autobus sur quelques lignes. D’ailleurs, en 2019, une bonne trentaine de villes petites et moyennes françaises pratiquent déjà la gratuité pour tous dont : Châteauroux, Castres, Compiègne, Gap, Manosque…
Par contre, seulement quelques agglomérations de plus de 100 000 habitants : Aubagne, Niort et Dunkerque ont généralisé la gratuité des transports. Mais il s’agit là de cas particuliers dans la mesure où ces dernières ont la particularité de bénéficier de véritables rentes financières qui leur permettent de financer largement la gratuité, sans avoir recours à la fiscalité. Ce qui est loin d’être le cas de nombreuses villes.
La plupart des études menées concluent cependant que le ratio de couverture des dépenses d’exploitation des transports en commun par les recettes commerciales dans les villes de plus de 100 000 habitants demeure très défavorable. En effet, il se situe généralement à moins de 30%, contre plus de 50% il y a 30 ans, dés lors qu’il existe un réseau métropolitain ou de tramways beaucoup plus onéreux en exploitation. Soit un déficit d’exploitation à financer de variant de 70% à 90% ! Du coup, on comprend les réticences des grandes villes opter pour la gratuité.
Cette évolution vers la gratuité des transports en commun semble pourtant inéluctable et devrait s’amplifier à l’occasion des élections de 2020, notamment pour les petites et moyennes agglomérations. En effet, depuis plusieurs années déjà, nombre d’agglomérations n’ont cessé de faire évoluer leurs tarifs publics fortement à la baisse. C’est le cas de Rodez où le ticket coûte actuellement 0.30 € depuis plus de 10 ans contre près d’un euro antérieurement.
AggloBus Rodez en chiffres
Le service AggloBus de Rodez est géré par la communauté urbaine de Rodez Agglomération. L’exploitation du réseau d’autobus a été confié par délégation de service public à la SATAR (Société anonyme des transports automobiles ruthénois) ; celle-ci lui a été renouvelé en 2018.
Le réseau AggloBus se compose actuellement de 21 autobus pour 13 lignes et 290 arrêts. 75 salariés animent l’ensemble.
- Ligne A (Rodez-Centre/Onet-le-Château) cadencée toutes les 15 mn en heure de pointe, puis toutes les 30 mn
- Ligne B (Rodez-Centre/La Mail-Bourran & Olemps) cadencée toutes les 15 mn, toute la journée entre Rodez et Le Mail
- Ligne C, D, E, F, G, H, J, K & S (cadencées toutes les 30 mn ou 1 h)
Le budget annexe de Rodez Agglomération alloué à AggloBus Rodez est sensiblement inférieur à 7 millions d’euros. En 2017, la communauté urbaine a alloué une subvention d’exploitation de 530 000 € alors que les recettes commerciales s’établissaient à environ 300 000 €, soit environ 5% du budget.
Les tarifs pratiqués sont en effet très bas depuis près de 10 ans. Moyennant le rechargement par carte magnétique, le coût unitaire d’un trajet est de 0.30 € (10 tickets à 3 € ou 50 tickets à 15 €). L’abonnement mensuel illimité pour l’ensemble du réseau est à 10 € et l’abonnement annuel à 100 €. Les étudiants, demandeurs d’emplois et titulaires du RSA, CMU bénéficient d’un tarif annuel à 50 €. Difficile de faire moins cher !
En 2018, le nombre de voyageurs transportés annuellement était de l’ordre de deux millions, contre un million en 2010.
AggloBus Rodez demain
Rodez Agglomération pèse actuellement 60 000 habitants. S’agissant d’une ville moyenne où le coût d’exploitation du réseau de transport urbain reste pour le moins modéré, en dépit d’un réseau relativement long et étoffé, la question de la gratuité peut effectivement se poser. Sans pour autant perdre de vue que les transports urbains sont très largement subventionnés par les collectivités et que leur coût réel ne peut être ignoré.
Encore faudrait-il que le choix de la gratuité conduise à améliorer la desserte, notamment en activant les parkings d’approche existants et à venir, mais surtout en réduisant sensiblement l’utilisation des véhicules en centre-ville au quotidien, tout en augmentant progressivement le trafic voyageur. La gratuité des transports doit d’abord favoriser le déplacement des salariés se rendant sur leur lieu de travail en semaine.
Par contre, si la gratuité ne conduit pas à la diminution sensible du trafic de véhicules au sein de l’agglomération, on est en droit de se poser la question de la pertinence d’un tel choix compte-tenu du coût réel pour la collectivité et les ruthénois en général. La gratuité oui, mais pas à n’importe quel prix ! C’est le point faible de la gratuité des transports.
Au dire des spécialistes, la gratuité ne réduit pas sensiblement le trafic automobile, déresponsabilise les usagers et prive les collectivités d’un moyen de régulation et de modulation tout créant une dépendance à l’égard de la dépense publique.
Quoi qu’il en soit, nul doute que le sujet de la gratuité, même s’il relève d’une décision de la communauté urbaine, ne manquera pas d’apparaître au programme de plusieurs communes de l’agglomération ruthénoise, comme d’autres.
D’ores et déjà, Christian Teyssèdre, maire de Rodez et président de Rodez Agglomération a laissé entendre lors d’une récente réunion de comité de quartier que le projet de gratuité des transports serait à son programme municipal pour 2020. Probablement en a-t-il surpris plus d’un, car personne n’a réagi pour l’instant. En fin stratège qu’il est, il a manifestement pris ses opposants de court !