Dettes souveraines des Etats : faut-il s’inquiéter du rôle des agences de notations ? (2)

28 juin 2010

Les conséquences de la perte de la note AAA

La dégradation de la note d’un Etat, d’une institution ou d’une entreprise accroît considérablement le coût du risque ; les taux d’intérêt augmentant brutalement. Ainsi, un pays peut avoir plus de mal à se refinancer, avec des conséquences plus ou moins graves comme on l’a vu pour la Grèce. Les taux d’intérêts auxquels elle pouvait se refinancer sur les marchés ont dépassé les 12% au plus fort de la crise. C’est différent avec l’Espagne, dont la notation reste bien meilleure que la Grèce. C’est pourquoi le pays se finance à un peu plus de 4%, ce qui est un peu plus que le taux proposé à la France (environ 3%), mais cela n’a rien d’alarmant pour l’instant.

La perte d’une notation ou même le simple passage de « perspective stable », comme c’est le cas de la France actuellement, à « négative » est susceptible de provoquer un séisme politique… et financier : les taux d’intérêt augmenteraient et la charge de la dette s’alourdirait encore. Alors, mieux vaut faire des efforts tant qu’il en est temps pour garder son AAA.  C’est le cas de la France.

Les agences surveillent notamment de près le rapport entre la charge de la dette et les ressources du pays. Dés qu’il dépasse 10%, la menace d’être rétrogradé de AAA à AA est réelle. Ainsi, dans un scénario de croissance molle comme actuellement, le poids de la dette française dans le PIB pourrait atteindre le niveau de 98,5% en 2013. Selon les principaux économistes, si la dette dépassait 90% du PIB (elle était à 77,4% en 2009 et est de l’ordre de 82%en 2010), les agences regarderaient avec une extrême attention. En effet, au-delà de ce seuil, la situation deviendrait inquiétante, pour ne pas dire intenable sans une croissance supérieure à 2%.

Faut-il revoir les agences de notation ?

Les agences de notation sont des sociétés privées qui évaluent le risque de solvabilité financière d’une entreprise, d’un Etat ou d’une opération financière. Elles mesurent le risque de non remboursement des dettes que présente l’emprunteur. Plus la note est élevée et plus l’entreprise trouvera des fonds à des taux d’intérêt faibles.  Il existe actuellement 3 agences de notation, toutes américaines : Moody’s, Standard and Poor’s (S&P) et Fitch Ratings.

La pertinence des notes attribuées par les agences de notation a cependant mainte fois été prise en défaut. Ainsi, elles n’ont pas été capables de prévoir les crises, que ce soit la crise asiatique de 1997-1998 ou celle des subprimes. Moodys, S&P et Fitch ont toutes trois attribué des AAA, la note maximale, tant à l’assureur américain AIG qu’à ses dérivés sur les produits hypothécaires subprimes. De même, lorsqu’en 2001, Goldman Sachs a fourni à la Grèce, déjà fortement endettée, un produit dérivé qui cachait un prêt d’un milliard de dollars, Moody’s a attribué à ce montage financier de la note maximale !

Visiblement, les modèles d’évaluation des agences de notation ne sont pas au point. « Elles ne prennent pas suffisamment en compte les perspectives macro-économiques et ont une vision trop court-termiste » selon des économistes.

La structure oligopolistique du marché de la notation est souvent présentée comme responsable de la convergence des notes. De fait, les trois agences détiennent 85% du marché. Une possibilité serait donc de permettre à plus d’agences, y compris des agences publiques, de pénétrer le secteur. Mais noter toutes les dettes du monde est une tâche coûteuse, nécessitant un nombre considérable d’analystes. Dans ces conditions, atteindre la masse critique pour la financer n’est pas donné à tout le monde.

L’Europe aura-t-elle la volonté et les moyens de se doter d’une agence de notation indépendante ?